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Permathérapie – Comment résoudre définitivement l’insécurité alimentaire !

Billet 45 – Le superpotager coopératif

Dans le billet 43, je faisais part que « depuis longtemps, dès le début des années 80, déjà ! je pressentais la nécessité pour les producteurs de notre nourriture, de trouver une forme d’exercice évoluée, en lien direct avec les populations qui les entourent, c’est-à-dire une forme qui ne les pousse pas à l’épuisement, le leur et celui des sols, ou à la dépression conduisant même au suicide, ou encore à la faillite et au combat quotidien pour avoir un équilibre de vie sur tous les plans : affectif, familial, matériel, financier et aussi de leur santé. »

Notre production actuelle de nourriture est-elle résiliente ?

Étant toujours attentive aux comportements humains, j’ai observé que laisser à une seule personne la charge du foncier, des risques divers, du travail, de l’assignation au lieu, n’était pas très logique, voire comportait des fragilités compensées certes, par le nombre, et donc à faible résilience, malgré le désir sincère pour l’exploitant agricole, disons mieux le paysan, d’être son propre chef, de se sentir libre dans ses décisions. Mais le prix est tout de même lourd à payer, considérant les souffrances qui ne peuvent plus être masquées.
Comme l’industrialisation, la mécanisation, la spécialisation des cultures, les apports d’intrants chimiques, ne sont finalement pas résilients non plus, puisque les pollutions, les maladies, les extinctions d’espèces nous le prouvent, voyons une alternative possible, celle des coopérations.

L’organisation intelligente collective

Bien sûr les coopératives existent depuis des temps immémoriaux, elles permettent de mettre en commun des biens, des forces de travail, du financement, mais poussons un peu plus loin.

Le travail de la terre, de production, demande de la main d’œuvre si l’on envisage d’évoluer vers moins de mécanicité, d’intrants et de monoculture.
Il demande aussi réparation des sols, régénération, aggradation, compensation des dégâts déjà causés en plantant des arbres, des haies, en dépolluant les sols…
Alors organisons-nous dans une intelligence collective, afin de répondre à plusieurs, à tous ces besoins d’œuvrer pour la vie du sol, pour la restauration de la biodiversité, pour la production de notre nourriture.

Voici une vision d’organisation : le superpotager coopératif

Connaissez-vous les supermarchés coopératifs ? Leur principe est simple : donner 3h* par mois de son temps pour faire fonctionner ce type de supermarché offrant notamment des vivres produits le plus proche possible en agriculture biologique, et ensuite pouvoir y faire ses courses à un coût moindre qu’un supermarché traditionnel dont les bénéfices rémunèrent des actionnaires ou autres propriétaires. Bien sûr le supermarché possède des salariés qui ont en charge l’organisation du travail, la formation et le suivi des adhérents.

Pourquoi ne pourrait-on pas appliquer ce modèle d’organisation et de fonctionnement du supermarché coopératif à la production de fruits et légumes par exemple ? Ce serait le superpotager coopératif.
Un espace de production maraîchère nécessite du foncier, de l’eau, des semences reproductibles, de l’outillage, des bâtiments, un circuit de commercialisation, de la formation, des ressources de biomasse, de la main d’œuvre…
Concevoir ce potager de manière coopérative veut dire : rassemblement de plusieurs personnes qui s’entendent sur le but commun, celui de s’organiser pour produire des fruits et des légumes, les commercialiser, voire les transformer, en offrant de son temps et en s’engageant à acheter ladite production.
Le superpotager coopératif est un lieu de pratiques agricoles de niveau professionnel, c’est-à-dire vraiment productif, de manière naturelle selon toutes les techniques que nous possédons aujourd’hui de type agriculture naturelle, jardinée, étagée, complantée d’arbres fruitiers, de légumes, de plantes mellifères et aromatiques.
Ces superpotagers coopératifs trouveront aisément leur place dans les ceintures alimentaires autour des villes qui fourniront les personnes motivées pour aller dans cette voie.
Leur démarrage demande la présence sur le territoire, d’un petit groupe de personnes qui partagent cette vision, et qui ont l’énergie, l’enthousiasme et la volonté pour en lancer un, en sachant communiquer et s’associer les compétences utiles, de sorte à les accompagner dans le domaine du maraîchage et de l’organisation en général.

L’équilibre financier

Le superpotager coopératif doit être en capacité d’assurer le financement des personnes salariées en charge de suivre la production, de donner des conseils, de former, de surveiller, de faire le planning selon les saisons, de la répartition du travail mais aussi des plantations, des semis, des tailles et autres tâches, en capacité donc de répondre à tous besoins.
L’ensemble des activités de vente des produits bruts ainsi que des produits transformés, doit équilibrer les dépenses salariales et autres besoins en équipements et frais de fonctionnement.
Il reste la question du portage foncier et de l’investissement en équipements. Il existe des structures ad-hoc pour cela, ou encore une mairie qui peut consentir un bail emphytéotique (qui va jusqu’à 99 ans), ou encore les coopérateurs eux-mêmes qui ont la capacité de mobilisation de fonds mutualisés.  

Le rayonnement et la démultiplication de ce modèle pourrait très judicieusement être accompagné d’un système financier territorial, à l’instar de celui développé dès 1934 en Suisse par la banque Wir entre entreprises, auquel pourrait être adjoint ce que les Anges Gardins ont mis en œuvre avec la MANNE** (Monnaie d’une Autre Nature pour de Nouveaux Echanges), monnaie dont la valeur est assise sur du temps passé : par exemple 40 mannes valent une heure de travail, ou encore 80 mannes, sont équivalentes à un panier de légumes.

Cette manière de s’entendre sur un but commun, de s’organiser, de respecter le vivant demande intelligence, volonté et amour, il n’existe plus alors de souffrances solitaires, mais partage, entraide et joie.

Le superpotager coopératif, un lieu de vie !

Le superpotager coopératif est également le lieu de rencontres festives, de repas partagés, de l’écoute de musiciens, de scènes de spectacles, en fait de tous les possibles créés par les gens eux-mêmes grâce à leurs talents offerts.
Il est important également qu’il soit ouvert aux anciens voulant partager leurs connaissances, leurs expériences, leurs recettes culturales ou de cuisine, ou simplement désireuses de prendre l’air, de voir de l’animation ou faire un peu d’exercice.
De même, les enfants des écoles, ou avec leur parents, seront autant de petit apprentis en quête de découvertes sur la production et le fonctionnement des végétaux, dans la connaissance du cycle de la graine à l’assiette.

Autour de ce lieu peuvent s’y adjoindre selon le même modèle d’organisation, des ateliers de transformation et de conservation des aliments, un poulailler, des restaurants collectifs, des ateliers de réparations, de fabrication d’outillage, de source d’énergie innovante, et surtout, une agora d’agriculture urbaine dont la fonction est avant tout de donner à chacun le même niveau d’information, mais aussi un lieu de rencontre et d’animations diverses.

Plus encore, à partir de ce superpotager, peuvent aussi s’y adjoindre des aires de production de céréales, ou d’élevage. Dans ce cas, la vision de départ doit comporter tous ces éléments pour le bon dimensionnement du projet et son extension possible par étapes.

C’est donc tout un lieu de vie !
Qu’est-ce qui nous empêcherait de travailler de la sorte et dans la joie ? rien…alors qu’est-ce qu’on attend ?

Sabine Becker

7 janvier 2021

 * La Park Slope de Brooklyn est le premier supermarché coopératif créé en 1973, il comptait 10 membres. En 2016 on en comptait 17 000.
Ce supermarché coopératif c’est donc 17 000 travailleurs, 17 000 propriétaires, 80 employés pour
51 868 762 $ de chiffre d’affaires. Il n’y a pas de PDG, pas de rémunération de capital et les produits sont beaucoup moins chers.

Voici un exemple de charte des valeurs du supermarché coopératif Le Baudet de Poitiers
http://lebaudet.fr/notre-projet/charte/

** La MANNE a été créée par l’association des Anges Gardins à Loos-en-Gohelle
https://horizonalimentaire.fr/angesgardins
https://menadel.fr/echanger

Crédit photo : Fabien Tournan, le jardin pilote d’Appietto en Corse
https://www.regenerationvegetale.com/site-pilote-permaculture-listincore

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12 thoughts on “Permathérapie – Comment résoudre définitivement l’insécurité alimentaire !

  1. Le Pb, sans ce genre de projet collectif, c’est que la plupart du temps, il y a un maraîcher jardinier pour des apprenants très peu assidus, et très à cheval sur le partage des recoltes plus voraces et véhément qu’une armée de doryphores.

    1. Ce qui est proposé ici, n’existe pas vraiment. Il s’agit d’une attitude professionnelle nouvelle de production assez intensive, à partir d’un groupe de personnes qui s’entendent préalablement pour la mise en œuvre de ce nouveau modèle de production. À l’instar des supermarchés coopératifs où l’on travaille quelques heures par mois, il faut trouver ici un “régime de croisière”. Il faut tout organiser à partir de la vision commune partagée, d’un but commun. On doit se doter d’une structure juridique adaptée et claire.

  2. Oui sur le papier ça le fait grave, cependant il faut prendre en compte les retours d’expériences.
    Sur les jardins partagés il y a parfois une “parcelle commune” et c’est celle ci qui génère la plupart des conflits.
    Peut être par manque de “vision commune” cité ici. C’est sur que dans un contexte très inconfortable coté calories nutritionnelles il serait possible de se coordonner.
    A coté des facilités actuelles procurés par l’acheminement bon marché de denrées alimentaires lointaines, il est possible d’élaborer des plans entre minorités convaincues.
    Oui beaucoup de clarté préalable car au vu des déboires rencontrés dans les expériences “d’éco lieux” par exemple, il est primordiale d’être au fait des parts inconscientes que les protagonistes vont apporter au projet.

    Ce document est très parlant pour ce qui est à prendre en compte sur ce genre d’aventure :
    https://youtu.be/_YGGVxrz0PU

  3. Vraiment bravo pour cet écrit concret et qui pose des pistes souhaitables. J’ai pour ma part compilé +80 concepts d’insertion sur un territoire, et j’ai rejoins les brigades DICRIM pour alerter nos élus sur le risque de rupture alimentaire dans la décennie à venir.

  4. Pour avoir travaillé sur.le.projet scopeli à nantes je trouve ta.proposition geniale…reste a trouver les terres en peripherie de villes…et les.gens (mais.ca j y crois)…merci.pour l.article.en tout cas

    1. Merci pour ton retour Nicolas. Les idées sont “contagieuses” :), elles font leur chemin et entre en résonance avec certains. Alors les choses se mettent en place. Le terrain ne manque pas, et l’on peut imaginer des personnes qui auront l’intelligence, la volonté et la bienveillance de les mettre à disposition, parce qu’eux aussi auront compris que la production de nourriture de cette façon vertueuse, mérite leur engagement 🙂

  5. Sabine, y a t’il des demarches concretes en region, dans l’ouest notamment..je suis en recherche de ce type de projet aux alentours de Nantes..as tu écho de quelque chose ? ou des contacts à me conseiller ?
    Merci d ‘avance

  6. Bravo Sabine et merci pour ce travail remarquable qui nous interpelle.
    Le Chaudron du Redon à St.Martin-le-Redon (46700), village de 200 hab. (milieu rural)
    Une centaine de membres dont une vingtaine de jardinier(e)s actives (1/2 journée/hebdo.) autour d’un agronome; tou(te)s bénévoles. Les productions sont partagées entre actifs, les surplus proposés aux membres à prix libre.
    Activités :
    – Jardin nourricier (3000 m2) + verger mis à disposition par 2 propriétaires ; produit env. 3 tonnes de légumes/an
    – Cuisine collective pour la transformation (conserves, lacto, jus de pommes…)
    – Pas de compte en banque
    – Financement : appels à don et bientôt un crowfunding pour payer les serres
    – Pas de site ni facedebouc
    – Pas de demande aux collectivité (sauf la mairie=150€)
    – Le partage est naturellement équitable (pas d’armée de doryphores…)
    Cette démarche est assez proche du superpotager coopératif sauf pour l’aspect financier et professionnel.

    1. Bravo à vous aussi. Les démarches citoyennes intelligentes, bien ordonnées, volontaires, qui n’hésitent pas à faire un travail collectif, est vraiment une solution productive harmonieuse. L’idée développée dans le superpotager coopératif est qu’elle se développe comme structure organisée, adoptée par des maraîchers pour ne plus être seuls à supporter les charges de productions à tous point de vue.

  7. Bonjour, vous devriez être intéressée par le projet de ferme participative portée par la ferme des Mille Bras à Rezé près de Nantes – une campagne de financement participatif sur kiss kiss bank bank devrait débuter le 24/02/21
    Cordialement

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