15 – Liens entre producteurs et mangeurs

L’action 15 porte sur les liens qu’il est possible de créer, restaurer et tisser entre producteurs – nourriture – mangeurs. Comme il est précisé et développé dans le livre-guide à la page 147 de ce chapitre 15, ces liens ont été “bien souvent coupés en deux endroits : lien producteur/nourriture, et lien nourriture/mangeur. En conséquence, le lien producteur/mangeur est rompu”. La plupart des familles dans les sociétés modernes mangent en ignorant complètement la provenance de leur nourriture. Non seulement elles ne connaissent pas l’origine des aliments qu’elles consomment, mais en plus elles ne savent absolument pas ce qu’ils contiennent, de quoi ils sont faits, ni des conditions dans lesquelles ils ont été produits. On ne s’étonne pas dans cette situation des nombreux problèmes rencontrés en matière de santé publique dus aux scandales alimentaires. Restaurer le lien entre le producteur et le mangeur dans une relation étroite, de confiance et de proximité est une voie fondamentale pour s’assurer d’une nourriture de qualité. Parmi les actions qu’il est possible d’envisager dans ce domaine, nous proposons ici d’explorer celle de l’Association pour le maintien de l’agriculture paysanne, plus communément connue sous la terminologie de l’Amap. Comme nous allons le découvrir dans cette page, il y a de grands avantages offerts par la formule de l’Amap, tant du point de vue économique, social et environnemental que de la santé.

S’il y a bien une action efficace qu’il est possible d’envisager pour renforcer la résilience alimentaire des familles, aussi bien à la ville qu’à la campagne, c’est de s’organiser à plusieurs pour constituer un partenariat durable et à l’abri des aléas du marché avec une ferme productrice qui s’engage à fournir de manière hebdomadaire des paniers alimentaires aux familles qui ont signé une convention engageant les parties à œuvrer dans un but commun sécurisant aussi bien le producteur que le mangeur. Il s’agit de l’AMAP qui est apparu en France dans le département du Var pour la première fois en avril 2001 et qui compte 20 ans plus tard, en 2021 plus de 7000 producteurs en Amap sur l’ensemble des départements français pour environ 2 millions de consommateurs concernés.

Soutenir les circuits courts en bio – En février 2018, à Ollioules, Sabine Becker retrouve Daniel Vuillon (à gauche sur la photo) avec Bruno Fournier, jardinier-sourceur en biodiversité de légumes et président de l’Association de tomatophilie, en présence de Rémy Gazeu (à droite), président-fondateur de l’association Male’va, engagé dans les initiatives menées pour la souveraineté semencière et alimentaire en Nouvelle-Calédonie. Comme il est précisé dans le livre-guide, “dès la fin des années 1980, Sabine et Daniel essayaient déjà de convaincre les élus locaux de préserver les poches de maraîchage dans l’agglomération urbaine toulonnaise. Défenseurs des circuits courts en bio pour se nourrir durablement, Denis et Daniel Vuillon ont été les premiers en France à créer une Association pour le maintien de l’agriculture paysanne, Amap, et à soutenir leur développement.”

L’AMAP garantit le maintien d’une agriculture locale paysanne

Explications – L’AMAP crée une économie hors marché, c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas des prix fluctuants des marchés. Pourquoi ? Parce qu’il y a accord entre les membres de l’AMAP et le producteur sur un juste prix équitable et stable du fait de l’engagement de l’adhérent sur au moins six mois.

Le producteur est garanti par l’engagement des amapiens, de vendre sa production qui est complètement adaptée à la demande des familles, et les comptes sont transparents. L’adhérent de l’AMAP est un réel partenaire avec lequel travaille le paysan.

Il y a de nombreux avantages à développer les AMAP sur les territoires.

Sur le plan économique et financier :

– L’AMAP est viable dans le temps, elle peut même créer des emplois selon la taille et le nombre d’adhérents. Les emplois sont non délocalisables.

– Le producteur n’est pas tenu de viser la quantité lorsque l’équilibre a été trouvé entre le nombre d’adhérents et les prix justes. Il va miser sur la qualité et la diversité pour répondre aux besoins et aux goûts des familles.

– Le paysan peut s’engager dans une production sans produits chimiques, sur sol vivant, faire des essais respectueux de l’environnement, sans craintes pour son équilibre financier. Il a la garantie financière pour ses achats de semences et autres intrants nécessaires à la production.

– Les comptes sont transparents et les amapiens ont connaissance du fonctionnement de l’exploitation ainsi que de ses besoins.

Sur le plan de la santé

– Les produits sont sains, frais, de saison. Ils n’ont pas été mis au frigo pendant des jours, n’ont pas subi de traitements de conservation. Ils conservent toutes leurs propriétés nutritives. Ils forment au goût véritable des choses. Ils n’ont subi aucun traitement chimique.

Sur le plan de la biodiversité et de l’environnement

– Le paysan peut rechercher les espèces anciennes du terroir, utiliser des semences reproductibles, anciennes, variées. L’exploitation respecte l’équilibre des espèces animales et végétales : haies, arbres, ruches, basse-cour, chemin de l’eau…

– La ferme peut être un lieu de découverte et de formation pour les familles et les enfants.

– L’AMAP fonctionne en circuit court. Il n’y a pas de transport lointain par camion, ni d’emballages.

Sur le plan social

– Il y a des rencontres régulières entre les familles et les producteurs, et les familles entre-elles.

– La régularité de l’approvisionnement tranquillise les familles dans la durée, c’est aussi une forme de sécurité alimentaire.

– Une aide non négligeable aux travaux de la ferme est apportée lorsqu’il y a un besoin exprimé par le paysan.

– Les enfants sont éduqués à voir d’où provient la nourriture, comment on la cultive ou l’élève, et comment il est nécessaire ensuite, de la préparer, de la cuisiner ou de la conserver. Cela permet de recréer le lien entre la terre et l’assiette.

– Il y a une réciprocité de l’engagement entre le producteur de nourriture et les mangeurs.

– L’AMAP permet une parfaire la bonne adéquation entre l’offre et la demande à des prix abordables, justes et équitables.

Pour illustrer les propos que nous venons de développer, écoutons ci-dessus les arguments de Daniel Vuillon, initiateur des Amap en France.

Extrait du livre-guide des 21 actions, page 150 – Pour aller plus loin dans la compréhension des solutions locales telles que « L’AMAP, UNE ALTERNATIVE POUR LE PRODUCTEUR », voici l’avis de Daniel Vuillon, premier producteur en AMAP (Ollioules, 83) : « Le partenariat Consommateurs Producteurs par une AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) positionne une exploitation agricole dans une situation complètement différente de celles rencontrées dans l’économie de marché. La rémunération du producteur n’étant pas liée au rendement et au prix de l’unité de vente de ses productions, il va pouvoir mettre en œuvre un mode cultural qui tient beaucoup plus compte de la fertilité du sol, de la qualité de l’air et de l’eau, du respect des équilibres naturels, de la biodiversité dans la relance de variétés locales, la qualité gustative et nutritive de ses productions. Cette évolution va se faire au rythme que lui donnera l’exploitant ; mais il n’y a pas besoin d’un cahier des charges strict, la prise de conscience se fait petit à petit par le producteur encouragé et soutenu par ses consommateurs, dans un fonctionnement complètement transparent. Le prix de l’engagement des consommateurs se définit (y compris la rémunération des producteurs) de la façon suivante : charges fixes de l’exploitation + coût des productions (dépendant de ce que veulent consommer les consommateurs) divisés par le nombre de consommateurs = prix global « d’un panier » sur la période d’engagement.


Le développement en Amap se fait progressivement par l’exploitant ; le plus souvent, placé en zone périurbaine, pratiquant la vente directe il va remplacer un jour de marché par une distribution puis petit à petit il développera, s’il le souhaite, ce concept allant jusqu’à 3 distributions par semaine correspondant au rythme des cueillettes (tous les 2 jours). La proximité, la qualité gustative, le respect des saisons, la biodiversité sont aux centre des préoccupations de ce système, qui par-là, rejoint « l’éthique » véritable de l’agriculteur biologique et paysanne.


La force du système réside dans l’autonomie de chaque Amap en lien avec sa ferme. Cette indépendance vis-à-vis de l’extérieur (pas de subvention, pas de référence au prix du marché) assure à l’Amap une pérennité qui en fait une des bases de la relocalisation de l’économie. »

Pour illustrer cette page, découvrez la présentation VIDÉO ci-dessus de l’Amap Hertua de Veyrinas à 7 km au sud de Limoges par un entretien de François Rouillay avec Sylvia Coste qui résume bien l’offre qui est faite aux “amapiens” pour renforcer leur résilience alimentaire dans les meilleures conditions de transparence, de prix stables et de fraîcheurs des produits cultivés localement en agriculture biologique.

Pour aller plus loin, rejoignez le groupe Facebook “Liens entre producteurs et mangeurs“, action 15/21 du guide de l’autonomie alimentaire, en LIEN ICI.