Lausanne : « Un jardin pour cultiver la conscience »
letemps.ch – Au CHUV, un jardin thérapeutique en neuro-rééducation aiguë accueille des patients sortant du coma. Une méthode inédite aux résultats encourageants, notamment après un accident vasculaire cérébral.
Au CHUV, un jardin thérapeutique en neuro-rééducation aiguë accueille des patients sortant du coma.
Une méthode inédite aux résultats encourageants, notamment après un accident vasculaire cérébral
Une paupière qui bouge, des traits qui s’animent, un doigt qui frémit. Autant de signes presque imperceptibles, mais en mesure de faire toute la différence. Car ces esquisses de mouvement peuvent démontrer, chez une personne incapable de communiquer verbalement, que celle-ci est en réalité consciente de son environnement, au fait de ce qui se passe autour d’elle.
Longtemps négligée par la médecine, l’approche de ces patients en état de conscience minimale est actuellement en plein bouleversement. Depuis 2011, le CHUV à Lausanne, pionnier dans le domaine en Suisse, a mis en place un programme visant à déceler précocement les états de conscience cachée et à écarter les faux diagnostics d’états végétatifs, qui s’élèvent encore à 32% selon des études récentes. Cette nouvelle démarche, qui fait travailler en collaboration physiothérapeutes, ergothérapeutes, logopédistes et neuropsychologues, s’appuie sur une stimulation des cinq sens, afin de réactiver le plus rapidement possible les réseaux neurosensoriels du patient. Une forme de rééducation d’autant plus novatrice qu’elle est introduite en phase aiguë déjà et qu’elle peut se tenir à l’extérieur, dans le cadre d’un jardin thérapeutique de 300 m2 spécialement aménagé dans l’enceinte du CHUV.
Cette structure unique en son genre dans un hôpital universitaire suisse, qui a fêté sa première année d’existence à la fin août, montre des résultats très positifs. Le contact de la nature, la stimulation olfactive des plantes aromatiques, le bruit de l’eau qui clapote dans une fontaine, ou encore le souffle du vent sur un visage offrent de nouvelles possibilités de stimulation du patient. Celui-ci devient alors capable d’effectuer un mouvement qu’il n’était pas forcément en mesure d’exécuter au sein de sa chambre d’hôpital, faute de motivation suffisante.
Éclairage avec Karin Diserens, médecin adjointe au sein du service de neurologie et responsable de l’Unité de neuro-rééducation aiguë du CHUV.
Le Temps: Votre approche se base sur une stimulation neurosensorielle, en quoi consiste-t-elle?
Karin Diserens: Dans cette approche, le patient en éveil de coma voit ses cinq sens sollicités de façon intensive et répétée par le biais de stimulations olfactives, gustatives ou encore visuelles. Cette démarche peut se tenir autant à l’intérieur de l’enceinte hospitalière qu’en extérieur, dans le cadre du jardin. Divers éléments, comme une jardinière, un parcours de marche ou une fontaine, y ont été installés pour encourager le patient à interagir.
Il faut savoir que le cerveau est construit comme une carte constituée de quatre lobes, dans lesquels se situent les cinq sens. En activant ces sens, le système nerveux gagne en information. Cette approche nous permet de trouver les portes d’entrée qui vont stimuler les connexions neuronales chez le patient et induire une interaction.
Pour trouver ce qui motive le patient, nous discutons beaucoup avec les familles, afin d’apprendre à mieux le connaître, d’appréhender son environnement familier et ensuite d’enrichir son univers à l’hôpital avec des choses qu’il connaît et qu’il aime, comme des photos, de la musique, un certain parfum… Nous avons même pu faire venir le chien d’une patiente dans le jardin thérapeutique.
– Comment est née l’idée de cette unité de neuro-rééducation aiguë inédite en Suisse?
– L’un de mes moteurs initiaux était le souhait d’offrir quelque chose de plus au niveau humain aux personnes qui sortent du coma et qui bénéficient par ailleurs de traitements de pointe au niveau neuro-chirurgical et médicamenteux. J’avais aussi à cœur de pouvoir commencer la rééducation le plus tôt possible afin d’éviter au maximum les complications liées à l’alitement. C’est dans ce sens que nous avons mis en mouvement, au niveau suisse, l’approche de la neuro-rééducation aiguë en nous basant sur ce qui se passait déjà à l’étranger, notamment en Allemagne et en Autriche.
– Tout était donc à construire ici?
– La rééducation en phase aiguë existait déjà, mais les moyens dont nous disposions faisaient que son intensité était moindre, on prônait alors davantage le principe de récupération spontanée. Les avancées des neurosciences, notamment par le biais de l’imagerie fonctionnelle, nous ont permis de voir qu’une stimulation suffisamment motivante et répétée pouvait avoir un vrai effet sur la plasticité neuronale, que l’on pouvait changer quelque chose par la rééducation.
Le projet pilote a été conçu en 2009 et concrétisé en 2011 par l’ouverture de notre unité. Aujourd’hui, nous intervenons pro-activement dans les services de neurologie, de neurochirurgie et aux soins intensifs, ainsi que pour tout le CHUV sur appel. Nous nous occupons de tous les patients qui présentent une atteinte neurologique.
– Et les résultats sont positifs?
– Oui. Parmi les patients qui présentaient des lésions au cerveau, suite par exemple à un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien, et qui répondaient le mieux à la neurostimulation sensorielle, 76% ont pu rentrer à la maison et 72% ont été capables de remarcher.
– A l’extérieur, dans le cadre du jardin, les bienfaits de cette approche semblent même être renforcés, selon une étude préliminaire que vous avez conduite?
– En effet. Il faut toutefois rester très prudent dans l’interprétation des résultats car ils peuvent être biaisés par différents facteurs, comme la forme du patient le jour en question ou encore la météo. Toutefois, nous avons pu constater que si l’on choisit le bon objectif à réaliser, il y a une nette amélioration observée et l’interaction est plus importante à l’extérieur.
– Les bénéfices semblent évidents, mais au début votre démarche a pourtant rencontré quelques réticences…
– Quand vous dites stimulation neurosensorielle, cela peut hâtivement être interprété comme une forme d’agression. Certains collègues ont eu peur que cela provoque des effets délétères chez des patients qui ont par exemple une hypertension intra-crânienne. Notre approche ne vise toutefois pas à sur-stimuler le patient mais à lui donner des sensations agréables. Une caresse ou le fait de lui poser une main sur l’autre peut déjà suffire à activer les connexions neuronales et stimuler le cerveau.
– Dans votre pratique, vous vous êtes également rendu compte qu’un certain nombre de patients à la sortie d’un coma n’évoluaient pas selon les standards médicaux en vigueur jusqu’alors.
– Oui, le pronostic de ces patients était basé sur une série d’échelles permettant d’établir un diagnostic oscillant entre l’état de conscience minimale et l’état végétatif. Toutefois, en observant attentivement nos patients, nous en sommes venus à la conclusion qu’il manquait quelque chose aux moyens d’évaluation existants, que ces échelles ne permettaient pas de tout capter et induisaient un pourcentage non négligeable de faux diagnostics. Des patients conscients de leur environnement mais incapables de communiquer étaient alors considérés, à tort, comme étant dans un état végétatif.
– Pourquoi?
– Notamment parce que l’on avait tendance à ne pas prendre assez de temps avec ces patients. On ne peut pas stimuler une personne avec des troubles de la conscience et attendre une réponse rapide de sa part. Il faut lui laisser au moins 15 secondes pour réagir. De plus, ces échelles ne prenaient pas assez en compte des critères liés à l’observation du comportement moteur, à savoir ces petits signes parfois imperceptibles et difficiles à quantifier. C’est en mettant en place une nouvelle échelle basée sur nos observations que l’on a pu commencer à identifier très rapidement les patients qui se comportaient différemment des autres.
– Cela vous permet donc de poser plus précocement un diagnostic?
– Avec cette nouvelle approche du diagnostic du coma, nous pouvons en effet évaluer dans les vingt premiers jours les patients qui auront une évolution favorable et ceux qui vont moins bien s’éveiller. Avec les échelles habituelles on aurait pu les identifier, mais bien plus tard. L’ensemble de ces observations nous permet aujourd’hui de prendre des décisions, conjointement avec la famille, au plus proche des besoins du patient. Il est donc important de ne pas se tromper.
https://www.letemps.ch/sciences/2015/09/04/un-jardin-cultiver-conscience
Je note dans ce témoignage du Dr Karin Diserens : « Le cerveau est construit comme une carte constituée de quatre lobes, dans lesquels se situent les cinq sens. En activant ces sens, le système nerveux gagne en information. »
C’est bien là que la permathérapie apporte une réponse appropriée avec le jardin pédagogique à vocation thérapeutique, ne trouvez-vous pas ?
On en parle au sein du groupe Permathérapie France.